SaintéLyon ou comment basculer du côté obscur…

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L’histoire a commencé il y a près d’un an en lisant les récits de courses de mes différents amis, j’avais envie d’en savoir plus sur cette course mythique.  Parcourir 75 km n’est déjà pas une chose aisée, mais faire cela de nuit par des températures polaires ressemble fort à du masochisme… A moins que ce ne soit l’aventure ?

Le TGV est rempli de trailers qui se reconnaissent à leurs looks de baroudeurs. Gros sacs de sport, chaussures à crampons et barbe de deux jours. Gare de la Part Dieu tout le monde descend… La ville de Lyon est en pleine effervescence, mais pas seulement pour la course nocturne, elle fête les lumières, toutes les lumières… les lampes frontales seront donc de la partie.

Palais des sports, retrait des dossards
Le dôme du palais des sports accueille le retrait des dossards et le village des exposants, un concentré de joie, de stress et de décibels. Le retrait des dossards est bien organisé et ne prend pas plus de 10 mn. Nous voilà officiellement concurrents, il n’est plus question de reculer. Nous arpentons le village des exposants les yeux grands ouverts comme des enfants dans un magasin de jouets.

Navette pour Saint-Étienne
Notre planning indiqué un repas à la Pasta Party officielle proche de la ligne de départ. Mais informations prisent sur la teneur gustative du repas, nous décidons de manger à Lyon et de prendre la dernière navette à 20h30. Nous aurons ainsi moins d’attente dans ce grand hangar jusqu’à minuit. Dans le bus, règne déjà une ambiance particulière, et pas franchement détendue… un avant-goût de compétition ?

La cour des miracles
J’avais pourtant visionné plusieurs vidéos sur le sujet mais quel choc de découvrir près de 10.000 personnes allongés sur le sol en train de dormir ou de s’habiller ! De plus l’éclairage est volontairement bas ce qui donne une drôle d’ambiance.

Direction la ligne de départ
Il est l’heure d’affronter son destin, je repense à ces dernières semaines à respecter scrupuleusement le plan d’entrainement concocté par Vincent Viet coach chez Xrun. Pour lui pas de doute, je suis prêt. J’aimerai avoir son assurance ! J’ai déjà perdu tous mes camarades blogueurs, je suis seul pour affronter cette épreuve. J’en profite pour faire des images à la Gopro, je veux profiter à fond de cette nuit. Je ne serais pas déçu…

Top départ
Les minutes qui ont précédés le départ ont été magiques grâce à l’animation. Le coup de pistolet et la musique de U2 « light my way » nous font comprendre que c’est parti, même si à mon niveau le peloton n’a pas encore bougé. Je mettrai près de 4 mn pour passer sous l’arche de départ. Je prends un départ prudent, j’avais pour instructions de partir à 5’ au kilomètre, je serais un peu plus lent à 5’ 15’’ / 5’ 22’’. La nuit va être longue, il faut s’économiser.

Premiers sentiers, premières gamelles
Nous quittons le bitume au bout de 7 km, le sol est gelé. Il faisait en ville -5°, ici à la campagne il ne doit pas faire loin de -8°. La neige qui était tombée en abondance dans les jours précédent a bien fondue pour laisser place à de la glace. Les premières glissades et bientôt les premières chutes lourdes ponctueront malheureusement le parcours. Je ne suis tombé qu’une fois sur les fesses, j’ai eu très peur, mais finalement pas de mal. Nous nous enfonçons doucement dans la campagne, nous quittons les dernières fermes avec leurs odeurs caractéristiques et nous  éloignons peu à peu de la civilisation…

Premier ravitaillement
Je suis autonome en eau et en nourriture, je décide de « zapper » le premier ravito. J’ai entendu tellement de mal de ces endroits ! Pour l’instant tout va bien et fort heureusement car nous ne sommes qu’au 17e kilomètre. Je passe mon chemin. Les coureurs expérimentés recommandent de progresser de ravitaillement en ravitaillement et surtout pas en kilomètre car trop déprimant. J’y suis allé prudemment, le but étant de terminer.

Tout bascule
Je vais comme à enchaîner les ravitaillements jusqu’à 5h22 où tout bascule. À ce moment-là de la course, j’en ai marre ! Je viens de passer la distance du marathon et je suis crevé, comment je vais réussir à tenir encore 35 km dans cet état de fatigue ? Toute la suite de la course sera dans un état second, avec une seule obsession terminer ! A aucun moment, je me suis dit je n’irais pas au bout, c’était pour moi impensable.

Je passe par différentes phases

  • La fatigue joyeuse : vous êtes fatigué mais heureux, un large sourire éclaire votre visage, vous remercier les supporters nombreux sur le parcours.
  • La faigue mélancolique : mais pourquoi continuer à courir, il n’y qu’à marcher ! J’arriverai bien à un moment donner ? Jamais l’envie d’abandonner ne m’a effleuré !

Nous approchons de Lyon
Je retrouve un second souffle et une envie de me battre avec l’envie de finir dignement. Je cours, et j’accélère le pas par fierté. Même si le chrono n’est pas à la hauteur de mes espérances, je veux être digne ! Je franchis enfin le portique d’arrivée avec une grande satisfaction, celle d’être « finisher » de l’une des épreuves les plus dures .

Je termine cette aventure humaine en me disant plus jamais ça ! Peut-on avoir du plaisir dans la souffrance ? Avec 48h de répits l’envie de recommencer est déjà présente, c’est grave docteur ? Les limites sont-elles faites pour être repoussés sans cesse ? Réponses dans les mois à venir…

© photo Gilles Reboisson

19 réflexions au sujet de « SaintéLyon ou comment basculer du côté obscur… »

  1. Bravo Jean Pierre, pour ta course, ton courage et ton super reportage !!

    Ne t’inquiètes pas, après un tel effort auquel tu n’es pas encore habitué, c’est normal, le premier sentiment que l’on a c’est « plus jamais »… mais l’envie reviens vite et le « plus jamais » fais vite place à « vivement la prochaine » !!
    Et tu verras, avec l’expérience, tu souffriras de moins en moins et ce type de pensées finiront par disparaître… le seul danger, alors, c’est que tu deviennes accro !!

  2. Bravo Jean-Pierre !
    Un super reportage de l’intérieur qui donne envie.

    Bonne récupération maintenant

    Yoann (on s’est rencontré lors de la sortie nocturne Terre de Running Puteaux)

  3. Bravo pour ta course, bel exploit, loin du mien! Mais pour moi, outre l’expérience, c’est surtout un ticket d’entrée pour d’autres courses! Joli reportage aussi, je trouve juste dommage que ça ne soit pas un poil plus personnel à cause des séquences qui viennent d’ailleurs…
    Encore bravo!

  4. Compte rendu très intéressant … et qui montre bien la dimension psychologique étrange de la course dans ce type d’effort : tu n’en peux plus et tu repart … et à la fin tu te dis « plus jamais » et deux jours après tu es prêt à recommencer. C’est quand même bizarre : si tu te brules en mettant ta main dans le feu, tu ne recommence pas (en général). Qu’est-ce qui se passe dans le cerveau qui fait qu’on a envie de remettre le couvert (dissertations de 4 pages à me rendre avant Dimanche soir :-)) ?

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    • On s’y croirait non seulement parce que tu racontes bien les histoires, que les sensations sont bien restituées, mais aussi par la qualité de la vidéo, bravo pour ta course et qu’à jamais la Force soit avec toi !

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